RVG
2014-03-17 13:19:53 UTC
Cette semaine sur France Culture:
Par Adèle Van Reeth
Réalisation : Olivier Guérin
Lectures : Marianne Basler
La traduction donne à l’homme ses meilleures leçons d’humilité : pour
être précise et fidèle, elle n’est jamais parfaite. Car entre le sens et
l’intention, entre ce que le texte exprime et ce que l’auteur veut dire,
il faut choisir, et ce choix engage rien de moins qu’une conception du
sens comme événement. De deux choses l’une : ou bien la multiplicité des
langues ne sont que les diverses manifestations d’un sens originaire et
universel, qui, pour être le ciment de l’humanité, n’appartient à
personne, ou bien elles sont le signe que le sens échappe toujours en
partie au langage, auquel cas l’écriture serait une tentative jamais
close de ressaisir ce reste, cet au-dehors du langage sans lequel l’art
n’aurait plus lieu d’être.
Parce qu’elle met le langage à l’épreuve du sens, la traduction est
affaire de deuil : celui de la perfection, à laquelle on doit préférer
la réussite. Et c’est tant mieux, nous dit Ricoeur, qui situe dans ce
deuil de la traduction absolue le bonheur même de traduire.
Ainsi conçue, la traduction serait le meilleur étalon de la mesure de
l’homme, ni ange ni bête, tiraillé entre la quête de sens ultime et
l’acceptation que celui-ci lui échappe, révélant ce que la finitude peut
avoir de créateur. Si le traducteur est un traitre, alors c’est le lot
commun, tant le langage est toujours lui-même affaire de traduction, du
collectif au singulier, de l’objectif au subjectif, de l’original à
l’interprétation.
Mais alors, que faire des intraduisibles ? De ce que seule
l’interprétation peut donner la clé et dont les rêves sont la
manifestation la plus tangible et la moins partageable ? Faut-il
sacrifier l’auteur au nom de ce que nous avons sous les yeux ? A moins
que nous ne soyons tous auteurs d’un sens que nous passons notre vie à
vouloir traduire ?
Demain, Anne Dufourmantelle viendra se demander pour vous ce que disent
nos rêves, mercredi, Jean-René Ladmiral évoquera les Splendeurs et
misères de la traduction, à partir notamment du texte éponyme d’Ortega y
Gasset, et jeudi, Barbara Cassin s’interrogera sur le sort des concepts
philosophiques intraduisibles, entre ontologie et logologie.
Mais aujourd’hui,nous avons le plaisir de recevoir le philosophe Marc
de Launay, auteur d’un ouvrage dont le titre est de circonstance pour
commencer cette semaine : Qu’est-ce que traduire, aux éditions Vrin.
http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-la-traduction-14-qu%E2%80%99est-ce-que-traduire-2014-03-17
Par Adèle Van Reeth
Réalisation : Olivier Guérin
Lectures : Marianne Basler
La traduction donne à l’homme ses meilleures leçons d’humilité : pour
être précise et fidèle, elle n’est jamais parfaite. Car entre le sens et
l’intention, entre ce que le texte exprime et ce que l’auteur veut dire,
il faut choisir, et ce choix engage rien de moins qu’une conception du
sens comme événement. De deux choses l’une : ou bien la multiplicité des
langues ne sont que les diverses manifestations d’un sens originaire et
universel, qui, pour être le ciment de l’humanité, n’appartient à
personne, ou bien elles sont le signe que le sens échappe toujours en
partie au langage, auquel cas l’écriture serait une tentative jamais
close de ressaisir ce reste, cet au-dehors du langage sans lequel l’art
n’aurait plus lieu d’être.
Parce qu’elle met le langage à l’épreuve du sens, la traduction est
affaire de deuil : celui de la perfection, à laquelle on doit préférer
la réussite. Et c’est tant mieux, nous dit Ricoeur, qui situe dans ce
deuil de la traduction absolue le bonheur même de traduire.
Ainsi conçue, la traduction serait le meilleur étalon de la mesure de
l’homme, ni ange ni bête, tiraillé entre la quête de sens ultime et
l’acceptation que celui-ci lui échappe, révélant ce que la finitude peut
avoir de créateur. Si le traducteur est un traitre, alors c’est le lot
commun, tant le langage est toujours lui-même affaire de traduction, du
collectif au singulier, de l’objectif au subjectif, de l’original à
l’interprétation.
Mais alors, que faire des intraduisibles ? De ce que seule
l’interprétation peut donner la clé et dont les rêves sont la
manifestation la plus tangible et la moins partageable ? Faut-il
sacrifier l’auteur au nom de ce que nous avons sous les yeux ? A moins
que nous ne soyons tous auteurs d’un sens que nous passons notre vie à
vouloir traduire ?
Demain, Anne Dufourmantelle viendra se demander pour vous ce que disent
nos rêves, mercredi, Jean-René Ladmiral évoquera les Splendeurs et
misères de la traduction, à partir notamment du texte éponyme d’Ortega y
Gasset, et jeudi, Barbara Cassin s’interrogera sur le sort des concepts
philosophiques intraduisibles, entre ontologie et logologie.
Mais aujourd’hui,nous avons le plaisir de recevoir le philosophe Marc
de Launay, auteur d’un ouvrage dont le titre est de circonstance pour
commencer cette semaine : Qu’est-ce que traduire, aux éditions Vrin.
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--
"Wisdom tells me I am nothing.
Love tells me I am everything.
Between the two my life flows."
Nisargadatta Maharaj
http://jamen.do/l/a131552
http://bluedusk.blogspot.fr/
http://soundcloud.com/rvgronoff
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